Histoire
Passer du discours à l’action
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Dès 1973, plusieurs équipes très soudées constituent des groupes qui tiennent des stands de vente et de sensibilisation sur les marchés de Suisse romande. Le café soluble tanzanien « Ujamaa » et les sacs en jute font partie du premier assortiment de produits équitables vendus.
Le groupe de Meyrin (GE) est régulièrement présent sur les marchés genevois. À Fribourg, du café et du miel sont vendus dans les locaux du « Centre de la Paix », mouvement d’action non-violente. À Yverdon-les-Bains, un groupe fait les marchés après avoir improvisé un dépôt de marchandises chez un bénévole. Des groupes sont également actifs à Neuchâtel, Genève, Le Locle, Lausanne et Nyon.
A cette époque, leurs buts sont précisés dans un document d’information :
- Tendre à un partage plus juste des gains et des richesses.
- Considérer le plus pauvre comme un partenaire et ne pas rester le complice du plus fort.
- Avoir un contact aussi direct que possible avec le producteur.
- Payer un prix plus juste.
- Offrir une décomposition transparente des prix.
- Prendre plus de responsabilités dans la vie économique et sociale afin de promouvoir un nouvel ordre économique mondial.
- Ne pas aller à l’encontre des cultures vivrières.
Ces buts ont été développés et affinés en 1998 dans la Charte des Magasins du Monde.
Une alternative
En 1974, en Suisse romande, des militants œuvrant pour plus de justice décident de mettre en œuvre une alternative sérieuse au commerce international traditionnel. Ils se lancent dans un travail d’analyse en profondeur en décryptant les mécanismes du commerce international et les règles asymétriques qui défavorisent les pays les plus pauvres. Ils répondent aussi à la revendication « Trade, not aid » (un commerce juste et non la charité) des pays du Sud formulée lors de la conférence de 1964 de la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour la coopération et le développement).
1974 : création de l’ASRO par les premiers groupes Magasins du Monde L’Association romande des Magasins du Monde (ASRO), créée en juin 1974, s’insère dans un mouvement mondial revendiquant une réflexion et des pratiques économiques au sein desquelles la justice trouverait enfin une place. La même année, les premières arcades avec l’enseigne « Magasins du Monde » ouvrent à Lausanne, à Genève et au Locle.
« Solidaires au quotidien »
Tous les groupes qui ont adhéré à l’ASRO n’ont pas forcément ouvert un magasin. Le mouvement pour un commerce « juste » essaime en Suisse romande, en ville et à la campagne. Des groupes de militants organisent des marchés ou des dépôts de marchandise chez des particuliers. Actuellement, 35 Magasins du Monde rayonnent sur tout le territoire romand. Avec la devise commune « solidaires au quotidien », certains Magasins du Monde mettent l’accent sur la vente, d’autres sur la sensibilisation et l’éducation citoyenne. Le but des Magasins du Monde est de vendre et informer, conformément à la définition du commerce équitable internationalement reconnue par ses principaux acteurs dans le monde :
« Le commerce équitable est un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète. Les organisations de commerce équitable, soutenues par les consommateurs, s’engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et les pratiques du commerce international conventionnel ».
Une question de justice avant tout
Les Magasins du Mondefont partie de la filière historique du CE (appelée aussi filière intégrée). Elle intègre l’économique, le social et l’écologique et cherche une cohérence globale. Les acteurs de cette filière respectent non seulement les 10 principes du CE, mais aussi toute une série de règles de gestion (propres à l’économie sociale et solidaire) et complètent leur pratique commerciale par la sensibilisation, l’information et le plaidoyer. En tant qu’acteurs de cette filière, les MdM font bien plus que du commerce !
Depuis les années 90 et la naissance de la filière labellisée du commerce équitable, le volume des produits labellisés Fairtrade écoulés dans les grandes surfaces a sensiblement augmenté. Un constat réjouissant en soi. Revers de la médaille : l’augmentation des volumes de vente demande une adaptation régulière des standards du système de labellisation ; pour certains critères, cela signifie une révision à la baisse. Ces révisions font courir le risque de créer un commerce équitable à deux vitesses avec une version « light » qui, si elle est instrumentalisée par les acteurs économiques dominants, ne change pas en profondeur les injustices générées par le commerce international courant.
Aujourd’hui, les MdM rappellent avec force qu’ils prônent un commerce équitable et solidaire provenant de filières exigeantes. Il existe ainsi de véritables alternatives commerciales qui permettent de changer les termes de l’échange. Le commerce équitable n’est pas un acte de bienfaisance, c’est un acte de justice.